Vendredi 18 avril
Une sortie est prévue cet après-midi, neuf personnes ont réservé. Il fait un mauvais temps de mois de novembre en France, 10°C, du vent pas trop fort mais suffisant pour former des vagues et nous allons être mouillés par les embruns frais (la mer est à 15°C) et surtout, il pleut... beaucoup. Et une pluie froide qui vous transperce même en étant très bien équipé. Et pourtant nous sommes impatients d'aller dans cette humidité glaçante. Il faut dire que nous avons une bonne raison à cela, une baleine à bosses a été vue ce matin et nous voulons absolument la retrouver. Elles sont rares aux Açores, elles viennent parfois et de manière tout à fait aléatoire, à n'importe quel moment de l'année, l'année dernière il y en a eu une seule de passage et pas lorsque j'étais là. Il faut dire que la baleine à bosses, c'est quelque chose ! Tout le monde l'aime, elle est différente des autres avec ses 2 grandes nageoires pectorales qui lui donnent l'air d'avoir des ailes (d'où son nom Megaptera novaeangliae, megaptera signifiant grande aile) et surtout, c'est une star, une diva. Elle aime se donner en spectacle.
Les conditions sont loin d'être idéales pour l'observation des cétacés, en particulier parce qu'elles rendent très difficiles le travail des vigies à terre dans leur repérage des baleines pour nous guider par radio vers elles. Et je ne vous parle pas des conditions pour faire des photos : tout est gris, pas de lumière et des photos sans lumière c'est pour le moins incompatible. On verra bien, peut-être que les seules photos de la journées seront gravées uniquement dans mes souvenirs.
Avec la vitesse du bateau les grosses gouttes de pluie me font l'effet de grêlons qui m'assaillent le visage ou en tout cas le peu de mon épiderme qui n'est pas couvert. Je ne sais pas comment fait Pedro pour piloter son bateau sans lunettes. Et je pense aussi à nos clients qui sont nettement moins bien équipés que moi.
Dans un premier temps nous arrivons près d'un groupe de trois rorquals boréals, ce qui n'est pas fréquent, ils sont en général plutôt solitaires mais en plus leur comportement n'est pas du tout habituel : généralement ils se déplacent de manière assez prévisible, plus ou moins en ligne droite, ils sont faciles à suivre et sont peu spectaculaires. Certes ce sont de gros animaux (jusqu'à vingt mètres de long) mais on ne voit en principe que l'arrière de la tête avec les évents qui leur permettent de respirer ainsi que le dos avec un grand aileron dorsal. Mais ces trois là sont restés dans un petit périmètre, à se côtoyer de près, à se rouler sur le côté nous montrant ainsi leurs nageoires pectorales. C'était apparemment un moment de socialisation, peut-être une rencontre galante... Et ils se sont comportés comme si nous n'étions pas là. Le bateau était arrêté et il semblerait que ces baleines-là ne connaissaient pas les règles du whale watching : les bateaux ne doivent pas approcher à moins de cinquante mètres des baleines et toujours par l'arrière. Mais peut-être que les cétacés n'ont pas de règlement qui les empêchent de s'approcher des bateaux ou alors ils ne l'ont jamais lu ou bien ils ont oublié.