- Tu sais toi comment c’est là où il se couche le soleil ?
- Ben non.
- On va voir ?
- Ben oui.
Lisbonne, 6 juillet 2011, cap au 270, plein ouest. On a étudié attentivement la situation, c’est dans cette
direction que le soleil passe sous la couette. Enfin, couette peut-être pas, il doit faire assez chaud chez lui.
C’est la première fois que je vais véritablement m’éloigner des côtes, escale prévue dans l’archipel des
Açores à environ 800 milles nautiques (env.1500 km). Autrement dit, au moins une semaine au large sans voir de terre.
Cette fois j’ai une équipière avec moi. Non, ce n’est pas Baltic, elle aime bien faire du bateau,
elle.
Les prévisions de vent sont excellentes, on nous promet un vent de travers d'environ 20 noeuds (hmmmm, ça
c’est bon !) pour au moins 5 jours, après c’est plus flou, au bon vouloir du fameux anticyclone des Açores, mais pas de vent fort.
Bonne augure, une heures après le départ deux dauphins sont venus nous souhaiter bon voyage.
© Marc Perrussel
Premières 24 heures conformes aux prévisions, 140 milles parcourus (260 km), super !
La suite sera moins drôle avec Eole qui commence à n'en faire qu'à sa tête ce qui nous fait descendre trop
vers le sud et la remontée vers le nord se traduira par 4 jours au près (remontée contre le vent) avec par moment du vent assez fort (jusqu’à 30 noeuds) et de belles (!) vagues. Pas top !
VoLuMondu n’avait jamais été mouillé comme ça. Le bon côté de la chose (le seul ?) c’est que j’ai pu repérer deux infiltrations d’eau non prévues dans le
bateau, une par un système soit disant étanche et l’autre par
un dispositif destiné à évacuer l’eau et ne rien laisser entrer. Pas grand chose mais bien entendu ça a
coulé sur matelas et coussins ! C’est beau la technologie !
Et pour aroser ce menu, un certain nombre d’averses de pluie que la couverture nuageuse a bien voulu laisser
filtrer juste pour nous. Et parfois le soleil qui se montre sous les nuages en fin de journée pour nous dire que c’est bien par là qu’il faut aller.
© Marc Perrussel
Equipière malade et assommée par les comprimés contre le mal de mer, ce qui me donne l’occasion de naviguer
la nuit comme en solitaire, c’est à dire sommeil par petites tranches de 30 minutes (au début, après j’ai espacé jusqu’à 45) avec le radar et l’AIS (prévention des collisions) qui surveillent les
alentours.
Un peu fatigant tout de même. Récupération obligatoire pendant la journée.

Peu de vie apparente autour de nous, si ce n’est l’apparition après 6 jours de quelques puffins cendrés. Ce
sont de magnifiques oiseaux de mer, ils me font penser à des albatros en miniature.
C’est un régal de les voir planer sans le moindre effort apparent, le vol épousant parfaitement les
déformations de la surface océanique et s'insinuant parfaitement dans le labirynte du relief aquatique, l’extrémité des rémiges flirtant collé-serré avec la crêtes ou le creux des vagues sans que
jamais elle ne touche la surface. Pas besoin de tremper la plume dans l'encre océanique si on a rien à écrire.
© Marc Perrussel
Et le huitième jour, apparition sur l’horizon de l’île de Sao Miguel, principale terre de l’archipel
portugais avec accueil en fanfare de plusieurs troupes de dauphins.
© Marc Perrussel
© Marc Perrussel
La suite ce sera 2 jours de repos à Punta Delgada, la "capitale", puis nous irons dans l’île de Pico à 130
milles nautiques (250 km) au nord ouest avec l’espoir d’observer des cachalots dans les eaux qui la baignent.
Nous en verrons quatre le lendemain de notre arrivée ainsi que de nombreux dauphins.
C'est toujours un magnifique spectacle et une belle émotion d'observer ces géants (15 à 18 m et 40 tonnes) se
déplacer lentement et, lors de l'expiration, de voir et entendre ce souffle puissant qui projette vers le ciel un panache nuageux, la caractéristique du cachalot étant qu'il le projette en
oblique sur l'avant orienté vers la gauche ce qui rend son identification plutôt aisée.
© Marc Perrussel
Et que dire de ce moment magique où l'immense nageaoire caudale s'élève lentement et majestueusement au
dessus de la surface pour disparaître verticalement lors de la pongée profonde à plus de 1000m de profondeur pour aller se régaler de quelques calamars géants, leur proie favorite !
© Marc Perrussel
© Marc Perrussel
Le village où nous nous trouvons était jusqu’en 1987 la base principale des chasseurs de cachalots. Dès que
la vigie à terre avait repéré le puissant souffle d'un cétacé, elle transmettait l’information par radio aux chasseurs qui aussitôt se mettaient en route à la rame et à la voile pour aller
tuer l’animal avec harpons et lances qu’ils projetaient à la main. Rien à voir avec la chasse industrielle qui a exterminé certaines espèces de baleines et amené d’autres au bord de
l’extinction.
Ces gars-là prenaient des risques énormes : ils chassaient dans de baleinières en bois de 12 m de long, ils
étaient 7 à bord. Et leur gibier pesaient en général dans les 40 tonnes. Et ce n’était pas toujours eux qui gagnaient la partie (yesssss !!!), les accidents dramatiques n’étaient pas
rares.
Le dernier cachalot a été tué à Lajes do Pico en 1987.
Aujourd’hui la vigie est toujours en activité mais pour une activité infiniment plus paisible, l’observation
des cétacés. Plusieurs compagnies emmènent des touristes en mer dans ce but. Activité florissante. Il faut dire qu’en été on est à peu près assuré de voir quotidiennement des cachalots, sans
parler des dauphins qui pullulent dans les environs. 20 espèces de cétacés sont observables dans les eaux açoriennes.
Et les baleinières sont utilisées à l'heure actuelle à des fins beaucoup plus pacifiques, elles se retrouvent
régulièrement lors des régates acharnées mais amicales. Mais la nostalgie d'une époque révolue est toujours bien présente...
© Marc Perrussel
Après avoir ramené mon équipière à Punta Delgada, retour à Pico.
Une des particularités de l’île de Pico est qu’on y trouve le mont Pico (nooon, pas possible !), point
culminant de l’archipel mais aussi du Portugal avec ses 2351 m d’altitude.
Tout l’archipel est d’origine volcanique et cette montagne est une vraie carte postale à elle toute seule
avec sa forme de cône presque parfait. Encore faut-il qu’elle n’ait pas mis son bonnet de nuages !
© Marc Perrussel
J’aurais l’occasion de la voir apparaître au coucher du soleil alors que j'en étais encore éloigné de plus de
100 km.
© Marc Perrussel
La roche volcanique noire est bien sûr omniprésente, elle est utilisée pour les construction, pour les pavés
(les portugais sont les rois du pavé, il y en a partout), pour les trottoirs, etc...
© Marc Perrussel
Et quand le soleil est bien présent cela ne fait qu’accentuer l’effet de chaleur. Apparemment certaines
plantes aiment cette accumulation de calories.
© Marc
Perrussel
© Marc Perrussel
A Lajes do Pico, le cachalot est bien présent. D’une part par le business du whale watching (en portugais
dans le texte !) mais aussi par le musée consacré aux baleiniers (très intéressant), par les anciennes installations de traitement des produits tirés des cachalots qui sont toujours en place, par
les enseignes des boutiques, les pavés sur les trottoirs et même boîte à lettres.
© Marc Perrussel
© Marc Perrussel
© Marc Perrussel
A part les cachalots, j’ai pu voir 4 espèces de dauphins (dauphin commun, grand dauphin, dauphin tacheté et
dauphin bleu et blanc), des globicéphales et une baleine de taille moyenne que je n’ai pu identifier.
Quel plaisir de voir autant de vie dans la mer ! Ce n’est, hélas, pas si fréquent.
© Marc Perrussel
© Marc Perrussel
Renseignement pris, le soleil se couche encore plus loin que ce magnifique archipel. On a pas pu me dire où
exactement mais il paraît qu’il faut continuer longtemps pour y arriver.
Bon, ça ne sera pas pour cette fois.
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