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Arrivé au terme de cette longue voie du Nord à Travemunde (Allemagne), le bateau est amarré dans un chantier naval.
Un peu de repos n'est pas superflu. je me remets à bien dormir (ce qui est habituel pour moi) alors que pendant ces 7 semaines de voyage fluvial ce n'était pas le cas. L'attention et la tension
(c'est beau la langue française !) qui m'ont accompagné restaient bien éveillées la nuit et ne me lâchaient pas, peut être qu'elles voulaient être sûres que je ne ferai pas la grasse matinée.
Donc 10 jours d'immobilité, ce qui ne veut pas dire d'inactivité.
Vò Lu Mondu a bien mérité de retrouver son mât en position verticale. Il a fallu regréer les voiles, finir de brancher mes instruments de navigation, installer l'éolienne, continuer les
bricolages, faire des courses conséquentes car la vie est plus chère en Suède qu'en Allemagne, se promener, visiter la très belle ville de Lübeck.
Il fallait aussi attendre une bonne fenêtre météo, c'est à dire une situation stable avec des vents faibles à modérés pour mes premiers ronds dans ces eaux inconnues.
Même si la pointe sud de la Suède, ma destination, n'est pas très éloignée, je préfère m'y rendre en faisant de la croisière côtière, des petits sauts de puces le long des côtes allemandes et
danoises.
Plusieurs raisons à cela:
- je ne veux pas naviguer de nuit
- le bateau n'a navigué que 3 heures à la voile depuis son lancement
- je n'ai pas navigué depuis plus de 2 ans
- j'ai le temps

La première étape est courte et j'arrive dans une station balnéaire absolument déserte (nous sommes fin novembre), le port de plaisance de 450 places est occupé par un voilier, le bateau de
sauvetage et mon bateau, ceci sans compter les milliers de goélands qui y ont pris leurs quartiers d'hiver. Je vous dis pas dans quel état sont les pontons !
Ce soir, j'ai fini de brancher l'éolienne pour le plus grand bonheur des batteries, sauf que ça ne marche pas !
Je réglerai le problème plus tard, en Suède au calme.
ce qui veut dire que je vais devoir faire fonctionner le moteur assez souvent pour pouvoir alimenter en particulier le pilote automatique qui m'est indispensable si je ne veux pas passer mes
journées dehors à la barre. Pourquoi n'ai-je pas encore terminé l'installation de la barre intérieure ? ce n'est pas quand je serai dans des latitudes plus clémentes que j'en aurai besoin ! Tout
simplement pas eu le temps pour ça, il a fallu faire le tri dans les priorités, mettre une hiérarchie dans les urgences.
Deuxième jour de navigation agréable avec le vent juste comme il faut, bonne force, bonne direction, même pas froid. Que du bonheur !
Pour cette escale nocturne, j'ai repéré sur la carte une baie très fermée où, pour la première fois, je passerai une nuit au mouillage. J'ai prévu d'en repartir avant le lever du jour car l'étape
suivante doit me mener au Danemark et la distance à parcourir (35 milles, environ 65 km), si elle n'est pas très longue, m'oblige à partir tôt pour arriver avant la nuit (la nuit tombe à 16h30).
Ce ne sera plus le long des côtes mais au large, sans voir la terre ni d'un côté ni de l'autre, et ça, je ne l'ai jamais vécu seul en mer.
Une fois au mouillage, la nuit tombée, je me rends compte que je ne pourrai pas sortir de cette baie avant le lever du jour car je ne vois plus les balises de l'étroit chenal. Il faudra donc être
prêt aux premières lueurs du jour.
Je passe ma soirée dans le mode d'emploi de mon GPS pour pouvoir profiter au mieux de ses multiples possibilités que je ne maîtrise pas bien.
Pendant la nuit, le vent se lève, fort, et, de nouveau, je ne dors pas bien. Si ce vent reste comme ça, je ne pourrai pas partir demain. Il faudra attendre.
Au petit matin, plus un souffle !
A 8 heures, je pars donc au moteur sachant que si le vent ne se lève pas, avec ma vitesse de croisière, j'arriverai avant la nuit à destination. Je ne doute pas que le ventilateur se remettra un
peu en action.
Eole se réveille mais il ne se lève pas du bon pied.
Après 10 minutes, j'ai hissé les voiles. Un ris dans la grand voile après 10 autres minutes, un deuxième ris 20 minutes plus tard avec le foc un peu enroulé, puis, 30 minutes de plus et c'était 3
ris + trinquette.
Heureusement ce vent était portant (dans le dos), donc ce n'était pas trop inconfortable et le trajet a été parcouru en 5 heures et je suis arrivé bien avant la nuit.
Il y a bien eu des moments un peu chauds pendant cette petite mais intense traversée, un empannage chinois (c'est à dire involontaire) suivi d'un autre volontaire à peine plus
doux.
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Force 6.
(après j'ai rangé l'appareil photo !)
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Quel gentil bateau ! il pardonne tout. Et quel sentiment de sécurité à son bord ! Qu'il en soit remercié.
Merci également au pilote automatique qui barre mieux que moi. Il est vrai qu'il ne se laisse pas distraire, lui, par la beauté de cette mer noire couverte de crêtes blanches.
Un grand merci aussi au GPS qui permet avec sa grande précision de tomber pile sur la balise qu'on espère trouver à tel moment.
Pas évident d'affaler ce qui restait de voile pour entrer dans le port.
Le vent est alors établi à force 7 avec des rafales et je décide, vu l'état de la mer, d'aller dans le port de pêche et non dans le port de plaisance dont les abords me paraissent vraiment
dangereux.
La bonne décision du jour !
3 jours réfugié dans ce port à attendre que la tempête se calme.
Je suis vraiment satisfait du comportement du bateau et pas trop mécontent du mien.
J'aurais préféré un apprentissage un peu plus soft, un peu plus progressif mais non, directement à la mine. C'est comme ça.
Faut quand même relativiser, c'était quand même pas le Vendée Globe et les cinquantièmes hurlants.
Enfin calmée après 3 jours de tempête.
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S'en suivent deux étapes tranquilles au Danemark avec peu de vent et une traversée de l'Oresund, ce bras de mer entre Danemark et Suède. Pas de difficulté si ce n'est une surveillance très
attentive des bateaux de pêche et surtout du trafic commercial intense lors de la traversée des couloirs réservés à ces très gros bateaux, ferries, porte-conteneurs; ils sont de plus très
rapides.
Et en début d'après-midi, alors que le vent s'est levé de nouveau assez fort (mais je navigue au moteur), j'arrive à ce qui devrait être mon lieu d'hivernage, le port du Falterbo Canal, à
l'extrémité sud de la Suède.
Je ne vous cacherais pas que je suis vraiment content d'être arrivé, soulagé
aussi.
J'ai aussi le plaisir d'être accueilli par Isabelle et Magnus, mes nouveaux amis franco-suédois.
Pour une fois que je n'arrive pas dans un endroit complètement désert.
Juste après avoir amarré le bateau, me voilà attablé avec mes premiers invités nordiques pour un bon plat de spaghettis.
Si je peux me permettre, en toute modestie, je crois que je suis assez fier d'avoir mené à bien toute cette histoire, l'aménagement du bateau, la navigation fluviale, la petite navigation en mer,
sans casse, avec plein de plaisir, ce qui fait oublier que ça n'a pas été toujours facile.
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