Connaissez-vous Marie-Pierre Planchon ? Non ? Moi non plus. Ou plutôt si, je connais sa voix. Une belle voix claire et pleine de douceur.
Marie-Pierre est une conteuse. Elle a récité de bien belles poésies tous les soirs durant des années à des millions d’oreilles attentives.
Des poésies sur la mer, des poésies qui s’adressent à ceux qui vont dessus, les marins, les pêcheurs, les plaisanciers, des poésies pour les rêveurs, ceux qui n’ont pas la grande bleue sous les
yeux ou à portée d’oreilles.
Tous ceux-là connaissent et aiment la voix de Marie-Pierre.
Pendant des années Marie-Pierre à récité le bulletin de météo marine sur France Inter juste après 20 h. Jusqu’à ce que Radio France décide de diffuser ce bulletin sur les émissions en ondes
courtes.
Pendant des années, tous les soirs ou presque, j’ai fait partie de ces rêveurs, pas marins, habitant loin de la mer, avec cette voix qui faisait le lien avec elle et ses embruns salés.
Marie-Pierre parlait alors de "mer belle", de "dépression qui se creuse à 998 hectopascals", d’"anticyclone centré sur les Açores", d’ "avis de tempête en cours", de "mer peu agitée à agitée", de
"grains", de "brouillard", de "vent de force 4 fraîchissant de secteur sud ouest" , de "force 8 de nord est", etc...
Et puis surtout, elle annonçait les zones où il y avait ces tempêtes ou ces calmes.
Viking, Utsire, Forties, Cromarty, Forth, Tyne, Dogger, Fisher, German, Humber, Tamise, Pas de Calais, Antifer, Casquets, Ouessant, Irish Sea, Fasnet, Lundy, Hébrides, Malin, Rockall, Shannon,
Sole, Pazen, Iroise, Yeu, Rochebonne, Cantabrico, Finisterre et puis les zones de la Médirerranée avec Elbe et Madalenna pour terminer.
Je suis beaucoup plus méridional que breton ou normand alors, si les zones
méditerranéennes m’évoquaient quelque chose, pas toujours précisément d’ailleurs, les zones atlantiques ou de la Mer du Nord ne me disaient rien du tout. Je ne pouvais les situer, même si les
consonances anglo-saxonnes ou plutôt germaniques m’apportaient un soupçon d’imagination pour leur localisation possible.
Mais après tout, pour le terrien que j’étais, peu importe où se situaient Cromarty, German, Antifer, Rochebone ou Cantabrico. L’essentiel n’était pas là.
L’essentiel était dans la poésie de Marie-Pierre. Elle racontait la mer.
Et ce soir, ou plutôt cette nuit, 1h38 du matin du 25 juin 2010, pendant mon quart de nuit, je traverse la zone Tamise en mer du Nord. Amsterdam se trouve maintenant dans le sillage de VoLuMondu,
et dans un peu plus de 2 heures il faudra être particulièrement vigilant en croisant le chenal d’accès à Rotterdam, le trafic devrait y être très intense.
D’ici là, dans 20 minutes, j’aurai réveillé Bernard pour lui confier les commandes du bateau, puis peut-être me réveillera-t-il devant Rotterdam pour surveiller avec lui les nombreux cargos qui
se trouveront sur notre route.
D’ici là, je me serai endormi en pensant à Marie-Pierre, en la remerciant car elle est une des personnes qui ont fait que je suis sur mon bateau cette nuit. La lune est pleine et jaune, je
navigue sur son reflet, la mer est d’huile et belle. Et Marie-Pierre est là qui me susurre dans les oreilles des histoires de vent, de vagues et d’anticyclone.
Viking, Utsire, Forties, Cromarty, Forth, Tyne, Dogger,... mer belle à peu agitée, dépression se creusant au large de l’Irlande, force 6 à 7 dans les Bouches de Bonifacio,...
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