Litloyfyr, le phare de Litloy ("la petite île" en norvégien), j'ai eu le privilège de pouvoir y séjourner
pendant deux semaines.
Un de mes (très nombreux !) rêves était de passer quelques temps dans un phare sur une île, petite de
préférence, du genre gros caillou battu par les vagues.
Grâce à de magnifiques rencontres dans les îles Lofoten, je me suis donc retrouvé, avec Baltic, ma petite
chatte, dans cet environnement.
Bon, il faut déjà y arriver dans ce coin perdu.
Allez, Baltic dans ton panier, même si tu n'aimes pas trop ça.
Et c'est parti pour quatre heures de bus. Je n'y suis pas allé avec mon bateau car il n'y pas d'abri sûr aux
abords de l'île en cas de mauvais temps, ce qui peut être fréquent sous ces latitudes à cette saison. Je vous avoue que dans mon rêve, il y a, si possible, une bonne tempête pendant que je suis
dans le phare, du genre vent rugissant à 140 km/h et des vagues qui explosent au contact des rochers dans un vacarme de fin du monde et libérant avec leur folle énergie des panaches d'écume
blanche qui se dispersent en nuages d'embruns salés. Finalement ce sera tempête... de beau temps pendant toute la durée de mon séjour, c'est bien aussi.
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Le trajet se fait en grande partie sur des routes enneigées. On est à la montagne au niveau de la mer. Ici, à
droite, les pistes de ski avec les remontées mécaniques, les tâches colorées qui descendent pour remonter aussitôt. Tiens, les pistes sont bordées par des rangées de lampadaires, il faut dire que
si on veut skier en hiver, c'est indispensable car le jour est un peu court, deux à trois heures de luminosité (je ne parle pas de soleil !) de début décembre à début janvier. Là, à gauche des
pistes de ski de fond, éclairées également. La route s'insinue entre des pics qui plongent souvent directement dans les fjords, elle contourne ces bras de mer par leur extrémité, les enjambe sur
de majestueux ponts ou se glisse en douceur dessous dans des tunnels.
Baltic n'a pas aimé du tout un de ces boyaux souterrains sans éclairage et le chauffeur s'est empressé
d'allumer le bus quand il l'a entendue bruyamment protester.
Il fait un temps splendide, le ciel est d'un bleu profond, la clarté est intense tant l'air arctique est
pur.
Le bus me dépose à Vinje où il y a un petit port (2 pontons flottants). C'est là que j'ai rendez-vous avec
Eléna Hansteensen, la propriétaire du phare, qui parle très bien français. Timing parfait, nous arrivons en même temps. Nouvelle expérience pour Baltic, dix à quinze minutes de bateau à moteur
rapide pour rejoindre l'île. Heureusement la mer est parfaitement calme et le choc ne sera pas trop impressionnant.
L'île, d'une superficie de 0,67 km2, se trouve à six kilomètres du continent (une grande île en fait reliée
au continent par un pont), elle représente la pointe sud de l'archipel des Vesteralen, voisin nordique de celui des Lofoten.


Nous arrivons à un petit ponton flottant et après avoir débarqué, la passerelle est relevée avec la grue pour
éviter tout dégât en cas de mauvais temps.
Le site est grandiose, le phare domine le tout du haut des cinquante cinq mètres de sa lanterne. Légèrement
en contrebas, la maison qui était celle du garde-phare. Pour l'atteindre, une petite grimpette par des escaliers après avoir chargé les sacs dans le panier du petit téléphérique. non, je n'ai pas
imposé l'expérience aérienne à Baltic, je pense qu'elle a eu sa dose d'émotions pour aujourd'hui.
Dans la maison, rencontre avec Kim, la nièce d'Eléna en vacances pour une semaine, et les 2 chats.
Donc, 3 habitants sur cette île, Eléna, Sirius, chat des forêts de Norvège et Sara, très belle chatte noire à
poils longs.
Je laisse Baltic un moment dans son panier posé par terre pour qu'elle fasse connaissance avec ses nouveaux
compagnons à poils. Sirius s'approche lentement mais sûrement pour affirmer sa position dominante. C'est lui le roi de l'île et Baltic le sent immédiatement.
Le roi, sentant que cette petite jeunette (1 an le 21 avril) ne va pas remettre en cause sa dominance,
l'accepte
très facilement. Par contre, en ce qui concerne Sara, c'est une autre histoire. Elle voit d'un très mauvais oeil l'arrivée de cette rivale potentielle, ses réactions de jalousie seront évidentes
et nous passerons de longs moments à observer leurs comportements interactifs. Le contentieux entre
femelles ne s'atténuera pas pendant tout le séjour.
Le premier coup d'oeil par une des fenêtres me laisse bouche bée. La vue dominante sur le bras de mer avec en
décor de fond les îles Lofoten enneigées jusqu'au niveau de l'eau est incroyablement belle. C'est un tableau, une oeuvre magnifique et il est difficile de détourner son regard pour apprécier
l'intérieur tout blanc qui donne une ambiance très douce à cet endroit où je me sens très bien immédiatement.

Eléna part de temps en temps pour des missions en Cisjordanie pour l'ONU ou d'autres organisations.
Elle a racheté le phare, la maison et la pointe sud de l'île il y a quatre ans avec l'intention d'y aménager
des chambres d'hôtes. Elle a en fait un projet important d'aménagement avec les chambres, un restaurant, une salle de séminaire, atelier d'artistes. L'aménagement du phare lui-même n'est pas
encore tout à fait défini.

A l'heure actuelle, il s'agit de rénover la maison pour pouvoir accueillir prochainement les premiers
hôtes,
trois chambres sont quasiment terminées, ainsi que la salle à manger, un salon bibliothèque et la cuisine ou
sont préparés les repas en commun.
L'accord conclu avec Eléna est que je travaille dans la maison en échange du gîte et du couvert.
Donc, deux semaines de peinture, menuiserie, électricité, etc...
Le lendemain de mon arrivée, belle promenade avec des raquettes, il faut dire qu'il y a pas mal de neige
cette année. C'est absolument magnifique et Kim prend grand plaisir à se laisser tomber dans la neige fraîche du haut de ses dix ans.
Eléna me montre les vestiges du peuplement de l'île datant de la première moitié du XXème siècle, il y avait
un village de pêcheurs ici, ils étaient ainsi plus près de leurs zones de pêche à la morue alors que leurs embarcations étaient mues seulement à la rame.
Avec l'arrivée de la motorisation des bateaux, l'attrait d'une vie plus confortable sur le continent,
avec
l'eau courante et l'électricité, a fait que les habitants ont
quitté l'île et en 1950 il n'y résidait que les deux gardiens du phare et leurs familles.
En 1991 le phare a été automatisé et en 2003 les gardiens ont quitté l'île.
Le phare a été construit en 1912 et est resté en activité jusqu'en 2009. Il a alors été remplacé par une
petite structure métallique installée juste à côté.
A la fin de son activité, la lanterne a utilisé des ampoules halogènes alors que précédemment c'était une
lentille de Fresnel. Une lentille de Fresnel, c'est magnifique, Mise au point par Augustin Fresnel, elle a équipé la plus part des phares du monde. Celle du phare de Litloy se trouve actuellement
dans les réserves d'un musée local et Eléna est en négociation pour qu'elle retrouve sa place dans le phare. Voici à quoi ressemble cet bel objet d'optique, ce n'est pas celle du phare mais une
autre tout à fait ressemblante.
S'il n'est plus éclairé, le phare abrite encore le groupe électrogène diesel qui alimente les installations
dont la
maison. Un des défis auquel doit se mesurer Eléna est de trouver une
solution énergétique alternative aussi écologique que possible. La solution pourrait venir de l'installation d'une éolienne et de panneaux solaires.
Pour l'eau de consommation, actuellement il y a deux réservoirs de 30 000 litres alimentés par l'eau de
pluie. A terme, la solution de remplacement pourrait être une unité de désalinisation de l'eau de mer.
Tout ça est à l'étude actuellement.
Elena faisant visiter son phare
Quant à la vie dans cet endroit isolé ? Paradis pour certains, enfer pour d'autres.
C'est une vie simple et calme bien sûr où le superflu n'a pas sa place. On doit se satisfaire des ressources
de l'île, très peu et beaucoup à la fois, tout dépend de ce qu'on attend de la vie.
Pour les travaux, pas de supermarché de bricolage à proximité, même pas de voisin à qui demander quelques vis
en dépannage, ici on ne jette pas les clous tordus, on les redresse.... Quant au bois pour faire des étagères, on utilise de la récupération de planches... J'adore ça ! Les moyens du bords. Lors
de nos discussions avec Eléna, nous avons remarqué que la vie sur son île et la mienne sur le bateau avait beaucoup de points communs. Cependant, la plus grosse différence vient du fait qu'elle
est sur un bateau fixe et moi sur une île mouvante donc, ses rencontres viennent à elle alors que je vais vers les miennes.
Si vous avez besoin d'agitation autour de vous, de restaurant, cinéma, magasins, voitures, bruit, etc..., la
vie folle d'aujourd'hui, quoi, ce n'est pas la bonne adresse, je peux vous l'assurer.
Par contre, si l'observation des mouvements perpétuels de la mer vous ravit, de même que l'admiration du vol
planant des aigles à queue blanche souvent harcelés par les goélands, ou la vue des bateaux de pêche au travail, vous êtes au bon endroit. En hiver la présence des aurores boréales dans la voûte
céleste ou le soleil de minuit qui éclaire le souffle des baleines en été, vous fait toucher une autre dimension.

Combien de temps ai-je passé devant la fenêtre juste à regarder ce merveilleux spectacle de la nature ? Entre
deux coups de pinceaux ou de tournevis, un coup d'oeil dehors, rien n'a changé depuis le précédent, ah si, la lumière, elle est différente et les couleurs se réchauffent avec la venue de la fin
de l'après midi.
J'y suis resté deux semaines, je n'arrive pas à le croire, tout a passé tellement vite entre les ballades,
les bricolages, les bons repas d'Eléna, le thé pris au soleil avec le roi Sirius appréciant notre compagnie et les rayons du soleil printanier sur son épaisse fourrure grise hivernale...
Et puis vient le moment où il faut repartir, même si on n'en a pas envie. mais après tout, l'île ne bougera
pas, je sais maintenant où elle est, j'y reviendrai certainement un jour...
Le rêve est devenu réalité, mais il a fait des petits, je peux vous l'assurer.
Le site internet du phare: link
Message personnel pour Framboise qui m'a envoyé un joli message pour me dire que "faire de la peinture dans
un endroit pareil, ça doit être comme repeindre les murs du paradis": murs du paradis ou de l'enfer, ça reste des murs et après une bonne partie de la journée sur une échelle, pas mécontent
d'aller se coucher !
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