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30 novembre 2016 3 30 /11 /novembre /2016 21:10
Mon chemin vers Saint Jacques de Compostèle
 
 
Le ciel est plombé cet après-midi dans un camaïeu de gris sombre et il est là, encore plus foncé que les nuages si bas. L'océan est là devant moi tout en bas de cette falaise 
de bout du monde. Ici c'est le cap Finisterre, la pointe occidentale de l'Espagne et du continent européen. Le Chemin s'arrête là et moi aussi, juste devant la dernière borne du camino, celle où sous la coquille bleue je peux lire : km 0,00. Même en ayant parcouru près de 1600 km pour arriver là, je ne dirais pas que l'océan est enfin là. Cela voudrait dire que j'étais dans l'attente de ce moment-là ce qui n'était pas le cas. Non, je ne l'attendais pas, je n'étais pas pressé d'y arriver lors de cette dernière journée de marche. A sa vue, j'ai eu un sentiment de plénitude, un sentiment d'avoir accompli quelque chose de très beau et d'important et d'avoir participé à une œuvre collective avec les millions de pèlerins d'hier et d'aujourd'hui qui ont foulé ce chemin. Et là je me suis senti prêt à rentrer chez moi.
Il y a deux mois, je partais sur le chemin de Compostèle, pas à reculons ou en traînant les pieds mais presque. J'avais dans l'idée qu'il portait une forte connotation religieuse dont je n'avais que faire. Quelle stupidité les idées préconçues ! Quelle stupidité cela aurait été de ne pas se lancer sur cette voie !
Ma toute première semaine durant laquelle j'ai traversé la Lozère aura été de la pure randonnée, de la marche. Puis j'ai rejoint la voie du Puy en Velay. Et là, très rapidement j'ai senti que la randonnée était terminée, que ce chemin de grande randonnée, GR 65, n'en était pas un. La terre, les cailloux, les rochers qui le constituent sont imprégnés par l'énergie transmise par un nombre incalculable de pieds qui s'y sont posés. Et nous-mêmes, marcheurs d'aujourd'hui, nous nous laissons imprégner par cette histoire plus que millénaire. Elle se trouve là cette œuvre collective dont je parlais plus haut. 
 
 
Mon chemin vers Saint Jacques de Compostèle
Car si beaucoup comme moi s'y trouvent dans une démarche solitaire, nous nous retrouvons rapidement faisant partie d'une communauté cheminante. 
Ce chemin est enchanteur par la beauté et la quiétude des paysages traversés, par l'extraordinaire richesse du patrimoine architectural, principalement religieux, qu'on y rencontre : chapelles, églises, cathédrales, monastères et un nombre incroyable de croix. Quand c'était possible j'ai visité ces bâtiments, en plus de la splendeur architecturale, ce sont des lieux de silence et de paix. 
Mon chemin vers Saint Jacques de Compostèle
Mon chemin vers Saint Jacques de Compostèle
J'ai dormi dans une petite et très ancienne chapelle. La nuit s'annonçait bien froide et elle s'est présentée à moi sur le bord du chemin comme un abri accueillant. J'ai deroulé mon matelas et mon sac de couchage et, comme il m'arrive de le faire le soir avant de m'endormir, j'ai mis un peu de musique. Même si ce n'était pas fort, j'ai très vite baissé le son, j'avais l'impression de déranger...
Sur la partie espagnole du chemin, malheureusement la plupart des édifices religieux sont soit fermés soit il faut payer pour y entrer, ce que beaucoup de pèlerins refusent pour la raison qu'ils sont justement des pèlerins et pas des touristes.
Cependant, même si cet aspect "touristique" et esthétique est appréciable et apprecié, la principale beauté et l'intérêt majeur du chemin ne sont pas là, ils ne sont pas visibles.
Une des premières choses qui m'a frappé c'est que j'y ai trouvé, retrouvé, ce qui était il y a bien longtemps la devise de la France : "Liberté, Égalité, Fraternité ". Je dis bien "était" car il n'aura, je pense, échappé à personne que cela n'a plus cours depuis longtemps dans notre beau pays soit-disant des droits de l'homme... Un peu comme le village d'Astérix, ce petit bout de territoire qu'occupe le chemin résiste, il est le dernier bastion de ces trois valeurs fondamentales. Je les ai ressenties très fort et j'y rajouterais "humanité, respect et solidarité". 
Je vous laisse imaginer le bien-être ressenti quand on se trouve entouré pendant des jours et des jours dans une telle ambiance. Car ce voyage est tout à la fois solitaire et communautaire, solitaire et compagnie. J'ai vraiment beaucoup apprécié cela.
 
Mon chemin vers Saint Jacques de Compostèle
Et progressivement on se rend compte qu'on ne "fait" pas le chemin, c'est lui qui commence à vous "faire". Il vous pénètre à chaque pas par la plante des pieds, il finit par vous traverser, vous transpercer. Mais cela dépend de chacun, il appartient à chacun de se laisser faire ou pas. Le coeur et l'esprit ouverts et tout est possible. 
Dans cette paix ambiante, le temps est venu pour la réflexion, l'écoute de soi-même et de l'autre, le partage, la recherche de sens, la découverte de l'intériorité. 
Et ce chemin n'est plus un chemin qu'il faut parcourir pour aller quelque part, il te mène à te parcourir. Il se parcourt dans la longueur, dans la lenteur, dans la douceur et aussi dans la douleur me rappellent mes pieds et ma jambe gauche. 
Il ramène à l'essentiel, à la simplicité. Marcher. Manger. Dormir. Penser. Ajoutez à cela que tout ce dont on a besoin se trouve dans notre sac à dos (et rares sont ceux qui n'ont rien de superflu dans le sac) et en nous-mêmes et vous vous retrouvez dans la légèreté et dans cette sobriété heureuse chère à Pierre Rahbi.
Et ce peu satisfaisant il se partage avec cette communauté de cheminants. Tout se partage, que ce soient les pensées, les joies, la nourriture, les douleurs physiques ou morales. Il est tellement étonnant d'ouvrir aussi facilement son coeur et son esprit à une personne inconnue quelques instants auparavant alors qu'on ne le ferait pas avec forcément avec des personnes plus proches.
Sur le chemin se créent des amitiés aussi vraies et profondes qu'éphémères. Que de belles rencontres qu'on oubliera jamais ! Merci Piluca, Yvonne, Andrès, Luciano, Serenella pour vos présences, pour les merveilleux partages, pour votre chaleur humaine, pour votre amitié tout simplement. 
Les rencontres sont innombrables et variées. C'est vraiment l'Internationale du chemin, surtout sur la portion espagnole, le camino frances (le chemin français). J'y ai recensé près de cinquante nationalités différentes, tous les continents sont représentés (pas vu de manchot en provenance de l'Antarctique), même si l'Afrique n'était représentée que par des africains du sud blancs. Dommage que nos frères africains noirs ne soient pas présents. 
Quelles que soient les langues et les cultures, la fraternité est la même. 
Curieusement, en proportion, les plus nombreux sont, il me semble, les coréens du sud. Il y en a vraiment beaucoup. Pourquoi ? Eux-mêmes n'ont pas pu me le dire.
L'immense majorité commencent leur chemin a Saint Jean Pied de Port. Autrement dit par l'étape la plus dure physiquement. Le menu de la première journée est donc très copieux : 27 km dont 18 km en montée avec une pente moyenne d'environ 10%, 1200 m de dénivelé positif. Et sans entrainement ce n'est pas une promenade de santé. Et les coréens ne sont pas les seuls à souffrir. Ce qui m'a frappé chez eux au début ce sont leurs visages fermés. C'est probablement lié à leur culture mais aussi au fait que beaucoup d'entre eux parlent mal l'anglais (langue la plus utilisée sur le chemin). Puis au fil des jours et des kilomètres leurs visages et leurs regards s'illuminent au fur et à mesure que leurs ampoules aux pieds s'éteignent et à l'arrivée sur la place devant la cathédrale de Saint Jacques un mois plus tard le chemin a fait son oeuvre, les différentes barrières sont détruites et, dans de longues étreintes fraternelles, nous nous sentons tous les mêmes .
Ce moment de retrouvailles ultimes avec tous ces pèlerins croisés et revus pendant plusieurs jours ou plusieurs semaines est un instant merveilleux : tous ces visages sont rayonnants de bien-être ou de bonheur, emplis de fierté d'avoir réalisé quelque chose d'exceptionnel qui sera inoubliable.
Pendant ces deux mois le chemin m'a entraîné hors du temps et de l'espace. J'ai vécu dans un autre monde et dans une autre vie avec tous mes compagnons de route. Comme dans un rêve qui n'en n'était pas un. 
J'ai toujours eu le sentiment d'être là où je devais être et content d'y être. A ma place. 
Le chemin "physique" est terminé mais la périgrination intérieure peut être infinie....
Fin del camino y muchas gracias a la vida.
 
 
Mon chemin vers Saint Jacques de Compostèle
Mon chemin vers Saint Jacques de Compostèle
Mon chemin vers Saint Jacques de Compostèle

Ce blog n'était donc pas dans "mon" monde, je n'ai pas utilisé mon appareil photo (qui pour une fois faisait partie du superflu dans mon sac), et les quelques images dont je dispose ont été réalisées par mes amis marcheurs avec l'avantage que, pour une fois, je suis sur les photos.

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commentaires

P
Coucou !!!<br /> Je me demande ou se posent tes pieds a cet instant ?????
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T
bravo Marc pour ce beau voyage au cœur de soi même .J'envisage de faire le chemin de compostèl et ton expérience me sera utile. Je me permettrai de laisser des commentaires a mon retour de voyage.
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P
lDear Marc, thank you for sharing your feelings after you have made the journey. It has not been a dream. It has been a wonderful experience that has allowed us to enrich ourselves as people with other Starnniks sharing the happiness that gives us the simplest things of life ... The colors of the countryside, the company of all the animals that have come to meet us Along the way, the conversation of so many pelegrinos with whom we walked.<br /> The good Samaritan, whom we bear in our hearts, has given drink to the thirsty, fed the hungry, shared what his companion needed, gave consolation to the sufferer .... With words ... Or giving His time to the one who just wanted to be heard.<br /> He has slowed or accelerated his march to accompany the brother who was helpless with the illusion of arriving Santiago.<br /> He has spoken of Jesus to whom he needed to rediscover ... He has been open to all ways of understanding life because only in this way is our way and harmony.<br /> The road ... It must be done alone ... Each one has his own ... Each one gives him what his heart was looking for.<br /> I am happy to have found such good people when I left Barcelona with the intention of feeling Jesus by my side. He was the one who used them so that his spirit was present ... He lived during all these days of reflection and solitary and collective meditation making us arrive at the Mass of the Pelegrino in a climax of extreme happiness. ULTREIA ET SUSEIA DEUS ADJUVA NOS
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C
C'est super marc, je suis très contente pour toi, quelle belle expérience et tu sais en écrire merveilleusement bien. Je te souhaite que ce voyage entrepris se poursuive en toi et que tu retrouves avec joie ton univers. Bises Christa
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S
Encore une très belle histoire qui ,même sans tes merveilleuses photos, a sa place dans ce beau Blog! (d'ailleurs, avant de tout lire, en survolant les photos, je m'étais dit, comme tu le dis toi-même à la fin, "tiens, mais pour une fois il est sur les photos!!" :-) ). Le "Chemin", c'est encore un rêve pour le moment; un projet pour "plus tard", un plus tard qui ne saurait tarder...... Lire ce que tu en dit donne envie de se décider plus vite..... <br /> A bientôt,... en "direct" ... :-)
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"Passer sa vie à cheminer le long d'une route droite, profondément encaissée entre de hauts talus, est faire médiocre usage des jours que le destin nous a accordés, tandis qu'ils peuvent être ensoleillés si l'on grimpe le talus pour flâner en liberté sur le vaste plateau qui le surmonte."
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"Je ne vois pas de délégation de nos Frères à quatre pattes.
Je ne vois pas de siège pour les Aigles.
Nous oublions et nous nous croyons supérieurs.
Mais nous ne sommes en fin de compte rien de plus qu'une partie de la Création. Et nous devons réfléchir pour comprendre où nous sommes situés.
Nous sommes quelque part entre la montagne et la fourmi.
Quelque part et seulement là comme une partie et parcelle de la Création."
Oren Lyons Iroquois Onondaga.
Extrait d'un appel aux organisations non gouvernementales des Nations Unies - Genève - Suisse - 1977.

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"La nature est lente mais sûre.
Elle ne travaille pas plus vite qu'elle n'a besoin de le faire.
Elle est la tortue qui remporte la course de la  persévérance."                                                                                                 

Henry David Thoreau
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"C'est une triste chose de penser que la nature parle et que le genre humain n'écoute pas."
Victor Hugo
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"Qu'est-ce qu'en général qu'un voyageur ? C'est un homme qui s'en va chercher un bout de conversation au bout du monde."
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" Faites ce que vous êtes capables d'effectuer ou croyez pouvoir faire. L'audace est porteuse de génie, de pouvoir et de magie."
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"Il faut sauver les condors. Pas tellement parce que nous avons besoin des condors, mais parce que nous avons besoin de développer les qualités humaines pour les sauver. Car ce seront celles-là mêmes dont nous aurons besoin pour nous sauver nous-mêmes."
Mac Millan, ornithologue du XIXe siècle
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