15 mai 2014
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C’est l’année de la baleine bleue dans les eaux açoriennes, il semblerait qu’il n’y en ait jamais eu autant.
Lors de leur migration vers les eaux froides arctiques dans lesquelles elles trouveront de la nourriture en abondance, elles s’arrêtent ici le temps d’un petit casse-croûte. Les eaux de l’archipel contiennent ce qui leur convient comme nourriture, le krill. Ces tout petits crustacés sont la nourriture exclusive de ces géantes des océans. Et cela paraît incroyable que le plus gros animal ayant jamais vécu sur notre planète ne se nourrissent que d’aussi petites choses. Comme toutes les baleines à fanons, son mode d’alimentation se fait par filtration de l’eau.
Elle engouffre une énorme quantité d’eau (environ 30 mètres cube) contenant les nutriments et la langue chasse l’eau au travers des fanons (des grandes lamelles de kératine suspendues à la mâchoire supérieure) qui agissent comme un filtre en conservant à l’intérieur de la bouche le krill. Bon, j’imagine que si il se trouve quelques sardines ou maquereaux dans le stock, elle ne va pas les recracher. A moins qu’elle trouve qu’il y a trop d’arêtes, dès fois qu’il y en ait une qui se coince en travers de la gorge…
Nous en voyons pratiquement tous les jours, encore trois aujourd’hui, et jusqu’à huit en une seule sortie il y a quelques jours. Exceptionnel !
Il y a deux jours, une de nos passagères, absolument enchantée d’avoir pu en voir une de près m’a raconté que, alors qu’elle était adolescente, elle avait vu à la télévision les activistes de Greenpeace s’interposer entre un navire baleinier et une baleine bleue pour empêcher les chasseurs de faire leur sale besogne. A ce moment-là, elle s’est dit que jamais elle ne pourrait en voir parce qu’elles seraient bientôt totalement exterminées.
Et aujourd’hui, elle se trouve très privilégiée de faire partie de cette petite minorité de personnes qui ont pu voir en vrai une de ces géantes, harmonieuse association de puissance colossale et de douceur infinie.
Merci Teresa pour m’avoir fait part de cette réflexion.
Je me sens aussi extrêmement privilégié de les côtoyer pratiquement tous les jours en ce moment. Tout cela restera gravé à jamais dans ma mémoire. Comment oublier le bruit phénoménal de ce souffle qui propulse une espèce de geyser de neuf mètres de haut ? Peut-on soustraire à ses souvenirs la vue de ce dos gris bleuté avec un tout petit aileron dorsal défiler au ralenti pendant d’interminables secondes ? Je la surnomme « la baleine sans fin » tellement elle est interminable, au point qu’un jour sans pain ce n’est rien en comparaison.
Dans le domaine des grands cétacés, même si tous sont extraordinaires, à mon avis il y en a trois qui sont au dessus du lot :
- le cachalot du fait de ses capacités physiologiques exceptionnelles qui lui permettent de plonger à plus de deux kilomètres de profondeur et de rester plus d’une heure et demi en apnée, du fait également du magnifique spectacle de sa nageoire caudale qui s’élève majestueusement au-dessus de la surface lorsqu’il est en train de disparaître vers les grandes profondeurs où il trouvera son plat favori, le calmar géant. C’est le roi des océans.
- La baleine à bosse, c'est la star des océans. C’est une diva, une bête de scène, de celles qui font le show, que tout le monde aime. Elle saute hors de l’eau, sort la nageoire caudale très souvent quand elle sonde, elle frappe la surface avec cette nageoire caudale en faisant de très bruyants splashhhh, elle vous fait coucou avec ses grandes nageoires pectorales blanches. Et en plus elle chante. Une vraie diva, je vous dis.
- Et bien sûr, la baleine bleue. Elle est, à n’en pas douter, la reine de la planète bleue. Elle est pleine de mystères, on ne connait pas grand chose à son sujet. On en sait certainement plus sur de minuscules insectes que sur elle. Bon, il faut reconnaître que, bien qu’elle soit d’une taille démesurée, elle n’est vraiment pas facile à étudier, on ne peut en voir qu’une petite partie de son corps immense et pour ce qui est de la vie qu’elle mène, il y a aussi encore beaucoup de questions sans réponse. De celles qui passent ici aux Açores, on ne sait même pas d’où elles viennent, pas plus qu’on ne connaît leur chemin de retour à la fin de l’été. Elles ne semblent pas repasser par ici. Et combien y a-t-il d’individus dans la société baleine bleue ? On ne sait. Par contre ce qu’on sait, c’est que même si il semble que la population augmente depuis l’arrêt de la chasse il y a trente ans, elle ne paraît pas encore tirée d’affaire. Il faut dire que l’espèce a été au bord de l’extinction après que 99 pour cent d’entre elles ont été exterminées par des années de chasse.
On ne peut donc que lui souhaiter, d’une part, de survivre et, d’autre part, de continuer à nous faire rêver en gardant ses mystères...