Horta (7000 habitants) est située sur l’île de Faial, l’une des 9 qui composent l’archipel volcanique des
Açores.
Horta, j’en avais déjà entendu parler, elle est connue dans le monde des navigateurs à la voile.
Horta et son port sont le passage quasi obligé des bateaux qui vont au printemps en direction de l’Europe
continentale en provenance de l’archipel caraïbe ou des Etats Unis. Et en été, nombre de plaisanciers y viennent pour une croisière estivale des plus agréables et également pas mal de
voyageurs qui se dirigent vers le sud, Madeire, Canaries, Cap Vert, Afrique, Brésil.
© Marc Perrussel
Sans parler des multiples courses océaniques qui y font escale ou dont c’est la ligne d’arrivée...
Ce petit port est classés quatrième au classement mondial des mouvements de bateaux de plaisance avec près de
1500 passages de bateaux par année. Je serais le 1005ème en 2011.
Que serait Horta sans son port ? La jolie petite ville qu’elle est aujourd’hui, calme et où on se sent bien.
Probablement un peu endormie quand même.
Mais le port est bien là. On y est très bien accueilli, le prix est modique comme dans tout l’archipel (pour
mon bateau, catégorie entre 10 et 12m, 12,50 € par jour). Heureusement car il y a très peu de mouillages possibles autour de ces îles et, en conséquence, séjour quasi obligatoire dans les
marinas.
A Horta comme dans tout l'archipel, il y a plusieurs très belles églises. la religion y est très présente
comme partout au Portugal.
© Marc Perrussel
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© Marc Perrussel
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Cependant, il y a un lieu de culte qui attire plus de monde que toutes les églises réunies. Un lieu
incontournable, connu probablement dans le monde entier par les marins : le Peter’s Café Sport.
© Marc Perrussel
Créé par José Azevedo, dit Peter, en 1953, ce bar est depuis cette époque LE lieu de rencontre des
plaisanciers et maintenant un lieu de visite touristique pour les navigateurs terrestres.
C'est un endroit qui en a vu passer des marins. Des plus illustres aux plus anonymes. Beaucoup y ont laissé
trace de leur passage. Il est impossible de dire de quelle couleur sont les murs, tout étant entièrement recouvert de fanions de toutes origines, de drapeaux multicolores, de photos,
d’autocollants, par endroits, si ce n’est partout, sur plus plusieurs couches. Et le plafond n’est pas en reste...
© Marc Perrussel
© Marc
Perrussel
C’est aussi l’endroit où les bateaux de passage peuvent faire adresser leur courrier, il y a maintenant un
accès internet gratuit également.
LE point de chute et de rencontre sur la route transatlantique .
Et à Horta, il y quelque chose de plus extraordinaire encore : un monde de couleurs, de dessins, de
peintures, d’imagination, un monde devenu tradition.
© Marc Perrussel
Probablement la plus grande galerie de peinture à ciel ouvert qui puisse exister. Depuis des décennies, les
équipages des bateaux de passage ont pris l’habitude, au point qu’il se dit maintenant que de ne pas le faire porte malheur, de dessiner et peindre "une oeuvre" faisant référence à leur bateau,
de laisser la marque de son passage.

© Marc Perrussel
Toutes les surfaces, qu’elles soient verticales ou horizontales, existantes dans la marina sont recouvertes
d’un invraisemblable patchwork multicolore. Je pense que c'est la première fois que je trouve le béton sympathique. Il faut dire qu'on ne le voit plus beaucoup.
© Marc Perrussel
Quand un nouvel arrivant comme moi a l’intention de se plier à la tradition, la première chose à faire est de
trouver un dessin sur lequel les effets du soleil, de la pluie des embruns salés ont exercé leur pouvoir, c’est à dire effacer, gommer les plus anciens. Ces éléments naturels sont une sorte
de modérateur de l’assemblée, ils décident qui a été suffisamment présent sur la scène. Place aux
jeunes en quelque sorte.
Une fois l’emplacement repéré, le recouvrir d’une couleur de fond et le protéger, s’il est horizontal avec
force avertissement (bouts de bois, bouteilles, pots de peinture, etc...) pour que personne ne le piétine avant qu’il soit sec. Il est vrai que lorsqu’on marche dans la marina, on ne regarde pas
où on va, on promène ses yeux sur les cimaises de cette galerie universelle. Et malheur à celui qui met le pied dans un pot de peinture.
- Hola, Marco, tienes un poquito de amarillo ? (Salut Marc, tu as un petit peu de jaune ?)
- Please, Geoff, may I borrow your beautiful green paint and a very thin brush ? (S'il te plaît, Geoff, je
peux t’emprunter ton magnifique vert et un pinceau très fin ?)
Ce genre de conversation on peut l'entendre à tout moment sur les pontons. Il y a toujours quelqu'un à
l’oeuvre.
Parmi tous ces artistes (pour la plupart novice et improvisés), il y a les organisés, les prévoyants qui ont
amené tout leur matériel nécessaire, telle cette famille québécoise éminemment sympathique qui avait déjà élaboré leur projet pictural avant d’arriver,
© Marc Perrussel
ou cette américaine qui a réalisé ce véritable tableau en deux temps trois mouvement, une véritable
artiste.
© Marc Perrussel
Et puis il y a les autres, ceux qui n’ont rien prémédité, rien prévu, ni idée ni matériel, comme Maria
l’espagnole, mes copains bordelais du bateau BLAIREAU ou moi. Nous on a fait les poubelles pour trouver des fonds de pots de peinture, des pinceaux certes pas tout neufs mais utilisables. La
débrouille, l’échange, la convivialité.
Une fois la couche de fond étalée, si elle n’a pas encore germée, il faut trouver l’idée, ce qu’on va mettre
sur cette couche uniforme ou pas d’ailleurs, tout est possible, tout est autorisé. C’est la plus libre des créations, pas de cadre, pas de guide, liberté totale d’expression.
Puis il est temps de passer à l’action véritable. J’ai adoré ce moment où on voit ces artistes d’un jour (ou
plus, il m’en a fallu cinq, faut dire que j’ai fait durer le plaisir et que je me suis appliqué) plongé dans leur activité avec une concentration extrême. Et les curieux, les visiteurs, les
touristes, les copains, les bavards sont toujours les bienvenus...
Et de l’application, il y en a à revendre. J’avais vraiment l’impression que nous étions tous des enfants en
train de vouloir gagner un concours de dessin et peinture et surtout les 3 carambars (les vrais avec l’emballage jaune) et 2 chewing gum à la chloro promis au plus méritant.
Chacun sa position idéale,
Maria au plus près de l’action,
© Marc Perrussel
Geoff en train de loucher sur son modèle

© Marc Perrussel
et moi sur mon tabouret mais je n’ai pas de photo. Et pourtant des photos il y s’en est pris. Les gens de
passage qui vous demandent timidement s’il peuvent vous mettre dans la boite, il en est passé pendant les jours où j’ai risqué le coup de soleil sur la langue tellement je me suis appliqué (j’ai
pas eu les carambars. Pas grave, il m’en reste quelques uns dans le bateau).
Dernière minute, on vient de m'envoyer une photo.

Et souvent la photo n’était qu’un prétexte pour entrer en contact avec tous ces gens. Comme lorsque j’ai
sorti ma machine à coudre (encore merci Sylvia pour ce magnifique cadeau) sur le quai pour me fabriquer un taud de cockpit taillé dans une vielle voile. Que de belles rencontres grâce à ça, Dani,
le photographe allemand de Lanzarote, Julie, l’américaine de Floride !
© Dani Stein
Du plus simple au plus compliqué, du plus naïf au plus artistique, ils ont tous la même valeur, celle des
jours voire des semaines passés en mer et de ce qu’il a fallu parfois endurer pour arriver dans cet endroit mythique. Chacun rend hommage à son bateau, c’est un honneur pour eux de se retrouver
ainsi exposés, peut-être est-ce notre manière de les remercier. Moi qui ne suis pas artiste pour deux sous, il n’y a pas pire dessinateur, j’ai fait de mon mieux et peut-être qu’un jour quelqu'un
me dira : "Tiens, j’ai vu VoLuMondu sur la jetée à Horta" et je serai alors content pour lui, je lui dois bien ça.
© Marc Perrussel
© Marc Perrussel
Il est pas beau mon dessin ? Vous ne trouvez pas que ça aurait bien mérité un ou deux carambars ?

Je pensais rester quatre ou cinq jours à Horta, j’ai fini par parvenir à m'en extraire après 16 jours à quai
en me faisant la promesse d’y revenir pour la bonne raison que je n’ai rien visité de l’île, je ne suis pas allé plus loin que le supermarché à 1 km du port... Quoique la raison principale
pourrait bien être de revenir m'immerger dans cette ambiance à nulle autre pareille.
En regardant l’exposition des peintures, on se rend compte qu’il y a des bateaux des quatre coins du
monde
qui passent ici. Ceci est confirmé en regardant les
pavillons qui flottent au dessus des tableaux arrières des bateaux présents : canadiens, brésiliens, américains, australiens, néo-zélandais, européens d’un peu partout, ils sont tous
là.
J’ai adoré ces discussions impromptues sur les pontons, la plupart du temps en anglais, souvent en français,
quelques fois j’ai dû utiliser mon poquito d’espagnol.
J’ai aimé ces toutes ces rencontres, sauf une pour être honnête (ah le franchouillard qui a tout vu !), elles
sont l’image d’une grande fraternité. Je rêve qu’il y ait d’autres mondes comme celui-là.
Quel plaisir de rencontrer ces inconnus qui ne le restent plus pour bien longtemps ! Tout le monde a l’air
détendu, le stress est totalement interdit de séjour, on se rend des services, on donne un coup de main, on échange des informations, on s’invite à boire ou à manger, des amitiés se forgent, on
se reverra, c’est sûr et certain. Et si on est pas sûr parce que les
destinations peuvent être tellement variées que, peut-être, on l’espère, les sillages de nos bateaux se recroiseront-ils un jour entre l'Alaska et la Patagonie à moins que ce ne soit entre
Valparaiso et le Vanuatu.
Que dire de cette belle rencontre lors de mon dernier jour à Horta avec l’équipage du MAKORE II, nous nous
sommes découverts des amis communs aux îles Lofoten en Norvège. Nostalgie de ces contrées nordiques, des aurores boréales, des gens...
Et si j’ai fini par quitter le quai, j’en ai rencontré qui ne l'ont pas fait, installés là depuis 18 ou 20
ans et n’ayant pas l’intention d’aller voir ailleurs même si l’hiver est ici très humide et tempétueux. Fin de croisière pour eux.
Finalement, à Horta, je n'ai fait que mettre en application la devise de VoLuMondu, prendre le temps de
prendre le temps. Et j'y ai mis du coeur. Et je peux vous dire que c'est vraiment très très bon.
Les amarres de VoLuMondu ont délaissé leurs bittes d'amarrage ce matin à 5h, après une belle soirée en
compagnie Stéphanie, américaine, Bruce, retraité de la Royal Air Force britannique et Julie qui nous a accueillis sur son beau bateau bleu marine à la bannière étoilée d’où s’échappaient
d’appétissantes odeurs de lasagnes...
Dans quelques heures, VoLuMondu sera au mouillage à côté de BLAIREAU et de STROBINELL, MAKORE nous rejoindra
peut-être. Tous trois vont bientôt tourner l’étrave vers la France, rentrée scolaire oblige. Et je vais me mettre dans leurs sillages pour aller retrouver le même port d’attache sur la Gironde
que l’hiver dernier. Pas de rentrée scolaire pour moi mais un inéluctable retour au travail (lequel ?), car pour les navigateurs, à part le vent, pas grand chose de gratuit.
Ce sera aussi l’occasion de faire certaines modifications sur le bateau que plus de deux ans de vie à bord
ont fait apparaître comme désirables si ce n'est nécessaires.
Mais avant il y aura encore quelques jours au mouillage avec les bateaux copains et une traversée de 1200
milles nautiques (env. 2200 km) vers les côtes françaises...
Départ lundi 15 août.
© Marc Perrussel
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