Les dépressions sur l' archipel des Açores se suivent et se ressemblent. Où est le fameux anticyclone si souvent cité dans les bulletins météo ? Je n'en sais rien mais ce qui est sûr c'est qu'il ne nous protège pas d'un temps défavorable pour l'activité qui est la nôtre, l'observation des cétacés.
Depuis mon arrivée, il y a 24 jours, à cause de vents trop forts, il n'a été possible de sortir en mer en moyenne qu'un jour sur deux. 25 sorties annulées pour 21 effectuées. Frustrant, sans parler du manque à gagner pour la compagnie. Mais bon, c'est le risque de toute activité en lien avec les éléments, ça fait partie du "jeu". Et, fort heureusement, on ne peut rien y changer.
Mais quelle tristesse et quelle frustration pour toutes ces personnes qui viennent de loin pour voir les baleines et les dauphins ! Souvent un rêve qui ne peut se réaliser. On a vu quelques larmes de déception couler cette semaine... Certaines personnes reviennent d'année en année avec l'intention de faire deux sorties par jour et ne peuvent que prendre leur mal en patience. Plutôt décevant de ne faire qu'une seule sortie, dans de mauvaises conditions en plus, alors qu'on en prévoyait quinze.
Cependant cela ne les empêchera pas de revenir l'année prochaine.
Par ailleurs lorsque nous avons la possibilité d'aller en mer, le plus souvent les vagues plus ou moins agressives nous attendent derrière la jetée du port. Sans oublier la pluie souvent présente. De plus nous n'observons que relativement peu de baleines et dauphins par rapport aux années précédentes.
Alors que les mois d'avril et de mai sont en principe la haute saison pour la migration des grandes baleines à fanons, elles sont cette année peu nombreuses à fréquenter les eaux de l'archipel.
La raison de cette situation est évidemment difficile à connaître et on ne peut faire que des suppositions.
On peut en effet supposer que cette faible fréquentation est due à une quantité réduite de nourriture présente. La nourriture favorite de ces espèces est le krill, des minuscules crevettes, qui fait partie du zooplancton.
Alors pourquoi y aurait-il peu de krill ici cette année ? Probablement parce qu'il ne trouve pas sa nourriture non plus. Ce qui leur manquerait serait la chlorophyle.
Alors pourquoi si peu de chlorophylle cette année ?
Vous suivez toujours ?
Il semblerait que nous sommes dans une année "El Niño". El Niño est un phénomène météorologique qui se produit périodoquement et qui affecte considérablement les conditions météo tout autour de la planète. La température de l'eau et de l'air, les courants, la pluviométrie peuvent être énormément modifiés, ce qui influe directement sur l'écosytème marin et, en conséquence, sur le comportement du plancton.
Donc si le comportement des ces microorganismes est modifié, celui des plus gros animaux de la planète s'en trouve logiquement affecté.
Résultat : pas de chlorophylle, pas de krill, pas baleine à rencontrer et à observer.
Fort heureusement cela ne signifie pas qu' il y a moins de baleines dans l'océan mais juste qu'elles sont ailleurs en ce moment. Et j'espère sincèrement que d'autres personnes quelque part ont des étoiles plein les yeux en voyant défiler la majestueuse et gigantesque baleine bleue.
Il semblerait en fait qu' elles sont tout simplement passées plus tôt cette année, vers la fin de l'hiver, lors de leur migration vers le nord.
En ce qui concerne les dauphins cést probablement le même phénomène. Ils sont placés très haut dans la chaîne alimentaire : ils se nourissent principalement de poissons qui eux-mêmes mangent des proies plus petites qui en font de même avec le plancton tout en bas de la chaîne. Donc peu de plancton, peu de dauphins.
Heureusement nos pupilles ont quand même l'occasion de briller et nos coeurs de battre plus fort car les cachalots sont bien présents (16 individus lors d'une seule sortie). Leurs proies préférées, les grands calmars qui fréquentent les grandes profondeurs doivent donc trouver leur nourriture en suffisance.
J'ai tout de même quelques images de cachalot à vous montrer. Avec un immense merci pour notre ami anglais Paul qui a eu la gentillesse de me prêter un objectif du fait de la défaillance du mien.
A part ça, la vie est belle et c'est tant mieux.