Eh bien pour une bonne nuit c'était une bonne nuit !
10 heures de sommeil non stop, pas de réveil toutes les 2 ou 3 heures quand la situation n'imposait pas une plus grande fréquence. Et en plus dans le bateau qui ne bouge absolument pas bien attaché à un ponton. Et encore une autre belle et longue nuit en perspective dès que j'aurai envoyé cet article.
Me voilà donc "de l'autre côté" et très content d'y être de ce côté-là.
Faut dire que cette traversée ne s'est pas passée comme dans un rêve, c'était pas "la croisière s'amuse", vraiment pas.
Surtout la fin...
Pour une fois, reconnaissons le, MétéoFrance ne s'est pas trompé. "Avis de tempête" pile poil dans la zone où je me trouve. Le scénario de 2011, quand je revenais des Açores, s'est reproduit avec quelques différences quand même.
Cette fois c'était le vent de face, je commence à en avoir vraiment l'habitude, ce qui ne veut pas dire que je m'y habitue, je n'ai eu pratiquement que ça, quand il y avait du vent, depuis les caraïbes. Force 6 à 8 en permanence pendant 48 heures, vraiment rien d'agréable, je peux vous le garantir. Dans la série "mais qu'est-ce que je suis venu faire dans cette galère ?", c'était pas mal.
Le cap Ortegal, vous connaissez ? C'est la pointe à l'extrême Nord-Ouest de l'Espagne. J'y étais passé en 2011 en allant vers le Sud. Au moteur, pas de vent, et je me rappelle m'être dit alors que c'est le genre d'endroit où il ne doit pas faire bon d'y passer un jour de tempête. Les rochers qu'y se trouvent à la pointe de ce cap s'appellent Los Aiguillones. Pas besoin d'être hispanophone pour comprendre que l'endroit peut ne pas être accueillant du tout, je ne vous fais pas un dessin. Pas vraiment le cap Horn mais quand même...
Donc dans la liste des expériences à ne pas refaire je coche : passer le cap Ortegal par 30 à 40 nœuds de vent de Nord-Est.
Je vous passe les détails de la chose et je peux vous assurer que 2 nuits bien calmes sont tout à fait méritées après un tel épisode.
Petit retour en arrière sur les 12 jours de traversée de Horta aux Açores jusqu'à Viveiro en Gallice.
Jour 1
Que c'est lent !!! Après 3 mois de déplacement à 20-25 nœuds avec le bateau d'Hortacetaceos, la traversée du chenal entre les îles de Faïal et Pico à 3,5 nœuds face au courant, me parait interminable, j'ai l'impression de naviguer arrêté.
J2
Départ tout en douceur, tout en lenteur plutôt. Peu de vent, carène salie par 3 mois d'immobilité portuaire. L'orientation du vent ne me permet pas d'aller directement vers mon but, le Nord de l'Espagne, au Nord-Est, ce qui était prévu. Je vais devoir faire du Nord pendant encore 2 jours probablement puis, en principe, je devrais pouvoir infléchir ma trajectoire plus à l'Est. A voir...
Une sensation de vide s'est installée autour de moi après avoir laissé sur le quai mes amis, les mains en l'air accompagnées par les déclics photographiques. 3 mois se sont écoulés en leur compagnie à partager de joyeux moments et d'autres d'une grande intensité émotionnelle, 3 mois de contacts tout autant chaleureux qu'intéressants.
Ce vide est un peu comblé par un passager qui s'est invité à bord ce matin, un petit oiseau. Pas farouche du tout, il se laisse caresser. Il n'a rien mangé de ce que je lui ai présenté, par contre il avait apparemment très soif. Il est en ce moment installé sur la couchette avant et a l'air de se reposer. Je ne suis qu'à 90 milles nautiques de Terceira, peut-être vient-il de cette île.
Après quelques heures de repos pour lui et de compagnie pour moi, il a manifesté le désir de sortir mais ne trouvait pas l'issue. Il s'est laissé prendre dans la main sans manifester la moindre crainte et je l'ai posé délicatement dehors.
Que c'est léger un oiseau ! C'est plein d'air sous les plumes ces petites bêtes. C'est pour ça qu'on ne verra jamais voler une baleine, même si certaines s'y essaie parfois.
Et quelques minutes plus tard il a repris son vol. Dis, Tu vas où, p´tit oiseau ? Bon voyage.